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tout leur noir




1.

j'ai vu

j'ai vu ceux-là
ceux-là qui marchent
marchent filent
qui vont se répandent filent
dans les couches strates de nos rues
qui filent dans nos rues courant fous
qui marchent marchent marchent
marchent encore dans nos villes folles
qui courent arpentent filent
l'ciel bleu fou
l'ciel l'ciel l'ciel l'ciel l'ciel
l'ciel perdu

qui filent
dans nos villes foules
dans nos villes masses
qui filent nus au travers de nos friches zones
qui sont là œuvrant traversant
qui sont là au-d'vant courant marchant vivants
qui brassent brassent brassent
qui courent
courent dans ces villes folles
mixées
mêlées
dans ces villes folles de sangs mêlés




2.

j'ai vu

j'ai vu celui-là qui marchait
marchait seul
dans les trous de nos villes
un seul homme dans c'noir
dans c'noir d'nuit folle
dans le trou noir d'nos nuits blindées
dans nos bitumes friches zones
c'lui-là qui marche seul
retiré unique




3.

j'ai vu
j'ai vu grand vent entre les deux oreilles
vitesse extrême et vieilles machines
à trafiquer mots mots m’échappant
dans la grande linéarité folle
de la parole échappée
échappée échappée échappée échappée échappée

j'ai vu hommes travailler travailler encore
avancer toujours
et puis là soudain dans le noir
la lumière de midi soudain soudain inonder

j'ai vu fleuves
le long de trains rayant l’europe
débordant inondant
maisons champs prés arbres
fleuves tissant à travers l’europe
leur force leur puissance fluide

j'ai vu trains devant grands poteaux jaunes-noirs
j'ai vu trains rayant vite le pur azur et or
le grand rayonnement pur des champs griffés
au travers des fenêtres vite

j'ai vu yeux rivés rêvant
sur le grand paysage de la parole-voix-vie
yeux rivés rêvant
derrière les fenêtres des trains
filant à 300 dans le pur azur et l’or du sun
au-dessus de la "stazione marittima"

j'ai vu gare port maritime
filant cramés sous le sun
dans l’étendue béton d’attente
des wagons de marchandises
et containers trans-mondiaux
jaunes verts bleus blancs
et slogans tagués au pochoir
sur leurs flancs indélébiles




4.

j'ai vu
j'ai vu type crever là
écroulé ou endormi
à peine somnolant
ivre blindé raide ou crevé
type là contre le mur des villes encore
les dépôts croûtes couches
de nos carcasses rebuts crasses
dans les déchets et vies torrentielles
écroulé là dormant ou crevé

j'ai vu
j'ai vu ses yeux
gueulant la faim au réveil
j'ai vu ses yeux au d'vant d'ceux
qui marchaient loin
loin loin d'vant
ses yeux aberrés
c'regard cinglé cassant cru
c'regard là qui vous coupe net
et impacte net
rudes sèches prunelles
flèches tendues mortes

c'lui-là qui marchait
marchait au d'vant d'ceux
qui marchent marchent marchent marchent
et travaillent perdus encore et toujours

j'ai vu
j'ai vu gars avancer dans la nuit
rives jours aubes lointaines
avancer dans l’aube jour noire
au fond des tunnels-rames défoncés
de l’antique roulotte de la terre
lointaine lointaine lointaine encore

qui fumaient leurs clopes
entre les wagons wagons wagons
et leurs braises sous le nez
soudain éclairaient leurs trognes et plaf !
retombaient dans la nuit
à toute vitesse vitesse vitesse

une furieuse bande
qui courait à perdre nu
renouvelait le souffle
et leurs vraies vies étaient là
ouais pas ailleurs

j'ai vu fatigue énorme
clope au bec lang exténuée vidée
que dire encore dire encore encore
la nuit tombée loin




5.

et c'lui-là c'lui-là
qui ne marche plus avec ceux-là

ceux-là qui
dans la nuit parlotaient
buvant vieux blues
ceux-là qui buvaient
vieux vins piqués
dans le brouhaha
des discussions longues
qui parlaient
avec des femmes de lait
au fond de nos nuits de couleur
au fond de la nuit brute
et qui encore buvaient fort
laissant couler cette douceur
cette caresse seule de la nuit
la nuit forte brute
enflée de musique de vins
de sexes palpitants ouverts
enflures coulant douces
dans les corps et foutus désirs courants
avec les corps et la nuit couvrante
la nuit forte la nuit brute

et j'ai vu j'ai vu j'ai vu
l'ciel l'ciel
l'ciel perdu bleu
tous ceux qui marchent marchent marchent marchent
et tout leur noir est entré en moi




6.

ça y est c'est fait
j'ai fait le poème
de nos nuits fortes brutes
des douceurs du fin fond de nos nuits brutes
du fin fond de nos amours tarés
de nos putains d'attachements physiques
de nos ventres d'affects de cultes de sexe
de nos ventres nuits
du vent de nos nuits chaudes

ça y est c'est fait
j'ai pris le trou le noir de vos bouches
le noir de vos bouches creuses
le noir de vos bouches ventres
le noir de vos bouches
ça y est c'est fait
je tchatche
je tchatche au nom du noir des bouches
ça y est c'est fait
tout votre noir entré en moi
le noir le noir
le doux noir de vos trous d'ombres
le fond noir de vos fonds d'ombre
le fond noir de vos doux chemins
vos ventres vos trous d'ombre
le noir tout le noir d'amour qui est en vous
ça y est
c'est fait c'est fait c'est fait




7.

le vieux blues sue coule sue afflue s'écoule
sur vos ombres de terre
c'est fait c'est fait c'est fait
les vieilles notes
vos belles discussions
vos vieilles notes
vos vieux grooves
c'est fait c'est fait c'est fait
j'ai pris note
j'ai pris charge
j'ai pris vos noirs
vos chemins des morts
sont dégagés.






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